Formation sur le plaidoyer smart : Lutter contre le cancer du col de l’utérus chez les PVVIH

Des années de lutte pour le contrôle et la maîtrise progressive de la pandémie du VIH Sida dans le monde ont démontré la nécessité, pour les associations, de développer un plaidoyer pertinent, qui reflète les besoins spécifiques des bénéficiaires et les véritables enjeux de santé en vue d’une meilleure sensibilisation des autorités et structures publiques, ainsi que la mobilisation des divers intervenants stratégiques et des partenaires internationaux.

Les avancées observées vers l’atteinte des objectifs mondiaux 95-95-95 introduisent une nouvelle phase indispensable de la lutte : Prévenir et soigner les maladies chroniques et connexes pour une meilleure prise en charge des personnes infectées. Les maladies opportunistes liées au VIH SIDA et celles consécutives au traitement prolongé sont multiples avec des conséquences diverses allant de l’inconfort à la dégradation générale de l’état de santé et une espérance de vie écourtée. Parmi celles-ci, l’on retrouve la tuberculose, les hépatites, l’hypertension, le cancer, etc.

Il va sans dire que cette thématique entre en compétition avec d’autres priorités définies par les Etats dans un contexte international inédit. Ces deux dernières années, la crise du COVID 19 et, plus récemment, les multiples répercussions économiques de la guerre en Ukraine ont rebattu les cartes des priorités sanitaires et humanitaires dans le monde. Un argument de plus pour développer un plaidoyer solide et stratégique.

Dans le cadre du Projet SSR  ‘’ AGIR pour la santé sexuelle des jeunes et des personnes vivant avec le VIH Sida’’ financé par Initiative 5% et mis en œuvre par Sidaction avec ses trois partenaires : ANSS – Burundi, SWAA Burundi et SOS Sida (Sud Kivu), s’est tenu à Bujumbura, du 24 au 26 octobre 2022,  l’atelier ‘’Formation aux outils et techniques de plaidoyer.

Le projet SSR a pour objectif général d’améliorer l’accès aux services de santé sexuelle pour les jeunes et les personnes infectées et affectées par le VIH suivies au niveau des structures communautaires dans la région des Grands Lacs (Burundi et RDC).

‘’Le but de l’atelier est de faciliter la création d’outils adaptés ainsi que l’analyse et le suivi du projet’’ souligne la formatrice de Sidaction Anaïs Saint-Gal. In fine, en faire découler un plan d’action pour tout le projet SSR.

Léocadie Habonimana, Coordinatrice a.i, qui participait à la formation renchérit : ‘’La formation aura un impact positif sur l’ensemble de nos activités. Ces outils et techniques de plaidoyer seront appliqués à tous les projets de l’association’’

Durant trois journées intenses, les onze participants à l’atelier se sont immergés dans l’analyse et l’identification des enjeux, la cartographie des acteurs, la définition des objectifs de plaidoyer et d’une stratégie la plus adaptée ou ‘’l’approche la plus pertinente’’, notamment par une meilleure compréhension des enjeux décisionnels et des jeux de pouvoir, l’élaboration des messages de plaidoyer, les canaux de communication et leur fonctionnement  et la planification efficiente des activités.

Suzanne Nsabimana, Directrice exécutive de la Swaa Burundi, se félicite d’avoir appris ‘’à mieux identifier et analyser le contexte d’intervention’’. Des outils comme ‘’l’arbre à problème’’ et  l’arbre à solution’’ lui paraissent ‘’très pertinents’’ pour décortiquer le problème et identifier les objectifs de plaidoyer. De même que l’outil élaborateur de messages avec ses cinq éléments (l’accroche, le changement souhaité, son importance, la cible qui doit agir et l’action demandée) qui apporte clarté et précision au message à transmettre. ‘’Aussi, le jeu de mise en situation nous a permis de mettre en pratique les techniques de plaidoyer de groupe et de nous rendre compte de leur efficacité. Cela nous sera très utile dans nos plaidoyers futurs’’ se réjouit-elle.

Parmi l’éventail des problèmes urgents et concomitants, l’exercice de priorisation auquel se sont prêtés tous les participants, a dégagé quatre axes stratégiques prioritaires: ‘’L’implication effective du PNSR (Programme National de la Santé de la Reproduction), la complétude des politiques de santé, l’information des jeunes sur la santé sexuelle et la mise en place d’un paquet complet de services de qualité’’. Au final, ce dernier a été retenu comme premier axe prioritaire.

La réflexion et les échanges ont ensuite convergé vers la formulation d’un objectif de plaidoyer général y relatif :

’ L’accès, dans les services de santé sexuelle, au vaccin anti-HPV (Human Papillomavirus Infection) pour les jeunes filles et au dépistage et traitements des lésions précancéreuses du col aux femmes vivant avec le VIH.’’

’’La thématique du cancer du col de l’utérus est un terrain méconnu. Nous constatons une ignorance généralisée de l’ampleur du problème’’ souligne Jeanne d’Arc Kabanga, responsable plaidoyer à l’ANSS et Coordinatrice a.i du Centre Turiho. Confrontée de plein fouet aux tristes réalités vécues sur terrain par les patientes, elle est plus que jamais engagée à renforcer le plaidoyer pour une prise de conscience à tous les niveaux.

Quatrième cancer chez la femme dans le monde, le cancer du col de l’utérus présente un double risque chez les femmes vivant avec le VIH SIDA. Les chiffres recueillis au Burundi sont pour le moins inquiétants. Sur 211 femmes dépistées en 2021 au centre Turiho de Bujumbura et dans les antennes pilotes de Gitega et Kirundo, 27 cas de lésions précancéreuses suspectes ont été recensés.  Le rapport semestriel 2022, pour la période de Janvier à Juin, confirme la tendance avec 10 cas suspects sur 57 femmes dépistées, soit une moyenne de 12%. Les cas suspectés sont confirmés par un examen gynécologique.

Le taux de mortalité élevé du cancer du col de l’utérus, 50% en moyenne dans le monde, s’explique principalement par une prise de connaissance tardive de la maladie. Pour y remédier, les trois associations envisagent toute une série d’actions de sensibilisation et de mobilisation des principales concernées sur tout le territoire national. La vaccination qui intervient avant le premier rapport sexuel de la jeune fille appelle à une conscientisation des familles, et particulièrement des parents. Un diagnostic précoce dans les centres associatifs et les structures publiques ainsi le traitement des lésions précancéreuses nécessite également une mobilisation à l’échelle nationale avec l’appui de pairs éducateurs formés à cet effet.

‘’ Au niveau du projet SSR Burundi, nous avons commencé la prise en charge des cas avérés de lésions précancéreuses dépistées dans les centres de l’ANSS. Mais comme le dit l’adage, il vaut mieux prévenir que guérir. Nous sollicitons l’implication du gouvernement pour l’introduction du vaccin HPV au niveau national et nous nous engageons, pour notre part, à appuyer l’action gouvernementale par la mobilisation au travers de campagnes de sensibilisation dans tout le pays’’ ajoute Angéline Inamahoro, Coordinatrice du Projet SSR au Burundi

Des objectifs réalisables mais qui peuvent se heurter, dans certaines circonstances, à des contraintes particulières. Au cours des discussions sont vites apparues les disparités géographiques et d’organisation structurelle des différents Etats. Dans un pays aussi vaste que la RDC (11ème dans le monde), la stratégie de plaidoyer doit tenir compte des défis liés à la circulation d’information et au coût des transports. Il est apparu judicieux aux participants concernés d’envisager pour ce cas spécifique une stratégie de plaidoyer par étapes.

’Notre projet compte former les médecins de l’association SOS SIDA et quelques soignants des structures publiques du Sud Kivu au dépistage et au traitement des lésions précancéreuses du col de l’utérus. Les résultats obtenus au niveau de la province pourraient renforcer notre plaidoyer auprès des autorités de la capitale afin d’étendre l’action au niveau national’’ commente Léonie Saïdi, Coordinatrice du Projet SRR dans la province du Sud Kivu.

Au sortir de l’atelier, les coordonnateurs des projets se sont engagés à finaliser et assurer le suivi du cadre logique et du chronogramme des activités pour la mise en œuvre du plaidoyer. Pour plus d’efficacité, la création d’un poste spécifiquement voué au plaidoyer est encouragée. ‘’Comme avec l’ANSS, l’une des rares associations soutenues par Sidaction qui compte en son sein une ressource humaine dédiée au plaidoyer’’ rappelle Anaïs Saint-Gal. Facilitée par l’appui de Coalition plus, l’union internationale d’organisations communautaires de lutte contre le VIH SIDA et les hépatites, l’approche stratégique gagnerait à être étendue aux autres associations regroupées au sein du projet SSR et au-delà.

Natacha SONGORE